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Être éducateur(trice) de jeunes enfants (extrait)

Il n’est plus du tout question de reconnaissance professionnelle si les soins donnés aux plus petits le sont gratuitement, comme le font de nombreuses femmes dans le monde entier, de la même manière qu’elles réalisent d’autres travaux sans contrepartie : s’occuper des malades, des personnes vieillissantes et… des relations de bon voisinage, faire à manger, assurer la santé au domicile en soignant l’alimentation et en faisant régulièrement le ménage. Censé relever de compétences naturelles, ce travail est souvent présenté comme n’engageant aucune dépense d’énergie de la part de celles qui l’effectuent, comme s’il s’agissait d’un état et non d’une action, comme si ces tâches n’entraînaient aucune fatigue. Ce travail se trouve la plupart du temps invisibilisé, d’autant que son caractère discret fait en quelque sorte partie de la qualité du travail accompli. Il est mal vu qu’une mère se plaigne de la fatigue occasionnée par sa maternité et le soin qu’elle apporte à ses enfants. Il est considéré comme assez normal qu’elle s’épuise en silence dans son rôle. Personne ne souhaite vraiment désenchanter l’image de la maternité et lever le voile sur la fatigue qui l’accompagne.

La défense et l’amélioration constante des formations et des qualifications dans le secteur constituent une condition de professionnalisation et de qualité de l’offre d’accueil. Même si le métier d’EJE est très féminisé comme la plupart des professions de l’enfance, il ne suffit pas d’être une femme ou d’avoir soi-même des enfants pour traiter avec extrême délicatesse les situations affectives que vivent les tout-petits et leurs parents. Les trois ans d’études que suivent les EJE ne sont pas de trop pour acquérir les savoirs qui permettent de garder dans la bienveillance la distance émotionnelle nécessaire pour éviter de faire de sa propre expérience la mesure de toute chose. L’existence du groupe professionnel des EJE et l’amélioration constante de l’expertise opèrent comme une résistance contre cette force de rappel, qui tend à réduire le soin aux tout-petits à un ensemble de tâches naturelles sans une digne contrepartie monétaire.

Extrait de Être éducateur(trice) de jeunes enfants, par Marie-Christine le Floch, dans la collection Être

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